Les premiers instants de vie : la pierre angulaire pour la suite !
Les producteurs laitiers sont de plus en plus conscients de l’importance des premiers mois de vie des jeunes animaux constituant leur relève. Avec raison, car en plus du coût considérable que représente pour leur entreprise l’élevage de ces derniers, nous savons qu’une régie adéquate de la relève, et particulièrement durant les tout premiers instants de la période néo-natale, peut affecter considérablement non seulement l’incidence et le taux de mortalité de certaines maladies, mais aussi le gain de poids quotidien, l’âge au premier vêlage et la production laitière future de ces animaux. Voici donc en résumé les bases d’une régie adéquate du colostrum et du transfert d’immunité passive.
Pourquoi le colostrum est-il si important?
À sa naissance le veau n’a aucun anticorps dans son organisme. En effet, contrairement à d’autres espèces comme l’humain, le placenta de la vache ne laisse traverser aucune macro-molécules comme les anticorps. Pour le veau donc, le seul moyen d’obtenir une protection immunitaire contre les pathogènes de son environnement sera par l’ingestion du colostrum de la mère, riche en anticorps protecteurs. C’est ce qu’on appelle le transfert d’immunité passive.
Les 4 règles d’or pour un bon transfert d’immunité passive
1- Le temps : idéalement dans les 2 premières heures suivant le vêlage !
L’absorption des anticorps (ou immunoglobulines ou IgG) par le veau se fait par les cellules de la paroi des intestins grâce à un mécanisme appelé « pinocytose ». Ce mécanisme qui permet le passage des anticorps du colostrum vers le sang du veau, n’est disponible que durant les 12 à 24 premières heures de vie. À cet égard, il est impératif de savoir que le pourcentage d’absorption chute drastiquement dès les premières 6 heures (baisse de 50%) et qu’il chute de 75% environ 12 heures après la naissance. Après ce délai, les immunoglobulines n’auront plus accès à ce « passage » à travers les cellules intestinales et seront plutôt détruites et digérées comme de simples protéines. Les IgG ainsi ingérées par un colostrum donné trop tardivement ne pourront donc pas participer à la formation du système immunitaire du veau.

2- La qualité
La qualité du colostrum se définit premièrement par sa concentration en immunoglobulines. Seule la première traite de la mère peut contenir suffisamment d’anticorps pour pouvoir fournir au veau les besoins qu’il requiert pour obtenir une immunité adéquate. Et plus cette première traite est faite rapidement après le vêlage, plus la concentration en anticorps sera grande. À titre d’exemple, 6 heures après le vêlage la concentration en IgG sera devient 80% de la concentration présente 2 heures après le vêlage.
Dans certaines situations de maladies infectieuses des veaux, la vaccination des mères aura un effet considérable sur la qualité du colostrum. Votre vétérinaire pourra vous parler des différentes stratégies de vaccination qui pourraient vous aider à obtenir un colostrum d’une qualité supérieure et surtout bien ciblée contre la maladie qui existe chez vos jeunes animaux de relève.
Comment mesure-t-on la concentration du colostrum en anticorps ?
– Colostrodoser : Nous donnera une mesure qualitative sur la qualité du colostrum et donc les résultats s’exprime en terme de ‘’Bon / Passable / Insatisfaisant.
– Réfractomètre : Nous donnera une mesure quantitative sur la qualité du colostrum. Selon l’échelle du réfractomètre, soit la mesure des IgG en g/L, une valeur de 50 g/L et plus nous indique un colostrum de bonne qualité alors que pour l’appareil de Brix, une valeur en pourcentage de 22% et plus s’avère un bon colostrum.
3- L’hygiène lors du prélèvement pour réduire la contamination bactérienne du colostrum.
Un autre aspect important quant à la qualité du colostrum est sa propreté. Le passage permettant l’absorption des anticorps par la paroi intestinale se referme plus rapidement en présence de bactéries parce que ces bactéries contaminantes entrent en compétition avec les anticorps pour les sites d’absorption. Ainsi, un comptage bactérien élevé du colostrum résultant de sa contamination va réduire significativement la capacité d’absorption de celui-ci.
Il est donc primordial de récolter le colostrum selon des règles d’hygiène très strictes. Que ce soit pour la méthode de prélèvement ou pour le matériel de collecte et d’administration du colostrum (chaudières, sacs à gaver, etc.), une certaine rigueur en matière de propreté réduira les risques de contamination de ce précieux colostrum.
4- Une quantité adéquate de colostrum administrée au veau.
Un veau devrait recevoir environ 200g d’immunoglobulines pour espérer bénéficier d’un bon transfert d’immunité passive. Pour un veau Holstein, cela correspond à environ 4 litres de colostrum. Donc, selon ce qui a déjà été établi précédemment, nous devrions donner 4L d’un colostrum de bonne qualité dans les 2 premières heures de la vie du veau. Si le veau ne consomme pas volontairement le colostrum, l’administration par gavage est recommandée. À noter qu’aucune différence quant à l’absorption des anticorps n’a été démontrée selon qu’il ait été donné par gavage ou par le boire volontaire du veau. N’hésitez pas à demander conseil à votre vétérinaire pour connaître la technique sécuritaire de gavage.
Saviez-vous que :
Le taux de mortalité avant sevrage chez les veaux ayant un échec de transfert d’immunité passive passe de 3% à 9% ! Trois fois plus de risque de perdre nos génisses !
Des petits trucs importants à considérer !
- N’oublions pas qu’une bonne régie du colostrum pour les veaux mâles aussi va créer une condition sanitaire gagnante pour votre élevage de femelles aussi, parce que moins de veaux mâles seront malades et donc plus faible sera la contamination des zones et du matériel d’élevage qui sera en contact avec toutes vos génisses.
- Des suppléments de colostrum commerciaux sont disponibles sur le marché, et il est primordial de connaître leur valeur réelle en terme de quantité d’immunoglobulines (anticorps) versus le prix payé. Les sachets à faible coût sont alléchants mais ils sont rarement suffisamment concentrés pour combler les besoins des veaux. Prenez information auprès de votre médecin vétérinaire pour bien statuer sur la valeur des produits que vous envisagez d’utiliser.
- Une PNE (Procédure Normalisée Écrite) pour la régie du colostrum c’est un outil de travail facile à utiliser ! Une telle procédure est toute simple à produire par votre médecin vétérinaire et elle va devenir un outil de travail facile à utiliser par tous les membres de votre équipe qui s’occupe des veaux naissants. Une PNE sur la régie du colostrum permet de standardiser le travail pour tous et il hausse la chance que les bonnes pratiques que vous souhaitez voir effectuer se feront lors de toutes les naissances !
- Évaluer la régie globale du colostrum de son troupeau, c’est possible! Il existe une façon très simple pour déterminer si le transfert d’immunité passive est efficace et adéquat. Il suffit de prendre un échantillon de sang à tous les veaux (entre 2 et 7 jours d’âge) et d’ensuite déterminer à l’aide d’un réfractomètre si la quantité d’immunoglobulines présentes dans le sang du veau atteint un seuil acceptable. L’objectif à atteindre est qu’environ 80% des veaux atteignent ce seuil critique. L’analyse des résultats par votre vétérinaire vous permettra d’avoir une idée objective et réaliste du rendement de votre élevage concernant le transfert d’immunité passive. Au besoin, vous pourrez alors discuter avec votre vétérinaire des différentes stratégies à adopter pour atteindre de nouveaux objectifs. Vous et votre relève en sortirez gagnants!